Partie 1: 3 RATs en 1 !

Il y a quelques années, j’avais commencé à écrire un blog avec quelques articles en anglais sur le DIY dans mon site artistique. Je pensais à l’époque que cela amènerait du trafic vers ma page musicale. Mais je dois dire que ça n’a pas donné de grands résultats… Mais venons en au fait de cet article ! J’avais écrit un article sur la pédale de distorsion RAT de ProCo et je me suis dit que plutôt que de vous renvoyer sur mon autre site, ça pourrait être pas mal de le traduire et de l’adapter ici en français. (Maintenant si vous voulez jeter un oeil ou une oreille sur ma musique vous pouvez aller sur mon autre site : www.olivierjambois.com :-)).

La raison pour laquelle je m’étais mis à vouloir comprendre comment fonctionne la RAT est qu’à un moment j’ai eu besoin d’une 2e RAT pour mon 2e pedal-board, celui dédié à l’impro. J’avais donc d’abord eu l’idée de cloner la RAT, mais avec les composants originaux des années 80, pas ceux de la version 2 que l’on peut acheter de nos jours. J’avais aussi voulu changer la polarité de l’alimentation. En effet, sur la RAT que j’ai, le centre est positif et j’avais voulu la rendre compatible avec les alimentations Boss qui sont centrées négatif. Mais vous me direz, les RAT actuelles sont centrées négatif ! Oui mais ce n’était pas le cas lors de mon post original !

Et donc ?

Et donc en fouillant sur internet – c’était le moment où je commençais à vouloir modifier mes pédales -, j’avais découvert qu’il y a foison de modifications proposées pour la RAT. J’en avais essayé quelques-unes sur mon protoboard, (« platine d’expérimentation » en français, ça sonne classe mais un peu long !) et j’avais trouvé certaines d’entre elles super satisafaisantes à mes oreilles, si bien que j’avais décidé de faire ma version de la RAT, en incluant ces modifications. Ce sont les résultats de cette pédale modifiée avec les composants originaux que j’ai envie de partager avec vous ici.

Les résultats seront disponibles en deux articles, pour que ce soit un peu plus digeste. Dans cet article, je parlerai du rôle des diodes d’écrêtage (« clipping diodes » en anglais) dans le circuit, de leur substitution et de leur effet sur le son. Puis je montrerai comment j’ai fabriqué ma pédale à partir d’un morceau de perfboard.

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1 Quelques généralités sur la ProCo RAT

Modèle ancien de RAT, contentant les anciens composants
Modèle ancien de RAT, contentant les anciens composants (Photo de Therekova).

La RAT de chez ProCo est une pédale de distorsion pour guitare électrique désignée à la fin des années 70 qui est devenue très populaire au début des années 80 [1]. Son circuit électrique est plutôt simple, selon [2] on peut le diviser en quatre « blocs » : le bloc dédié à la distorsion, le bloc de tonalité, le bloc de sortie et le bloc d’alimentation (voir ref. [2] et la figure ci-dessous tiré de cette référence). En fait, la RAT est toujours disponible à la vente, mais sous une version 2 avec d’autres composants. Par exemple, dans le nouveau modèle on trouvera un amplificateur opérationnel OP07DP au lieu du LM308, ce qui, selon les puristes, aurait une influence sur le son. Je donnerai mon avis en fin d’article !

Schéma électrique de la RAT
Schéma électrique de la RAT (d’après [2]).

Vous pouvez consulter une liste de modifications possibles de la RAT dans la ref [1]. Dans cet article, nous allons nous centrer sur le rôle des diodes d’écrêtage au Si (silicium) et leur substitution par des diodes au Ge (germanium) et des LEDs rouge (Light Emitting Diode ou diode électroluminescente en français). Si une explication détaillée de l’histoire de la RAT et de son fonctionnement au niveau électronique vous intéresse, vous pouvez vous rendre sur l’excellent site electrosmash (voir ref [2]). Ici je ne vais traiter que les points nécessaires pour comprendre l’effet de la modification des diodes. Ceci, à ma connaissance, n’a pas été traité ailleurs en détail.

Et à la fin de l’article je montrerai comment j’ai monté la pédale et une petite vidéo de démo !

2 Théorie de la distorsion

Pour expliquer le mot distorsion, je me suis inspiré de la ref. [3], que je vais traduire et adapter ici. Le mot distorsion s’applique à toute modification de la forme du signal. Il y a deux types de modification, la distorsion linéaire et la non-linéaire.

La distorsion linéaire, consiste simplement à changer le volume du signal en amplifiant ou atténuant le signal de manière proportionnelle. La forme du signal est donc conservée et la qualité du son n’est pas affectée.

En musique, la principale source de distorsion non-linéaire (donc non proportionelle) est l’écrêtage du signal et est plus connu sous le nom d’overdrive. D’une part, l’écrêtage doux (« soft clipping » en anglais) aplati doucement le maximum du signal et réduits les harmoniques aiguës. Ceci conduit à un son plus chaleureux. D’autre part, l’écrêtage dur (« hard clipping ») aplati le maximum plus abruptement, ce qui favorise les harmoniques aiguës et donne un son plus tranchant.

2.1 Écrêtage du signal

Onde sinusoïdale et onde écrêtée
Onde sinusoïdale et onde écrêtée après traitement.

J’ai dessiné le graphe suivant pour illustrer l’écrêtage dur. En noir, on voit une sinusoïde de fréquence 440 Hz. En rouge, la même sinusoïde est aplatie à ses maxima. L’aplatissement est abrupte, car l’on voit des points anguleux à la montée et à la descente du signal. Ceci conduit à la formation d’harmoniques aiguës, si l’on s’en réfère à la théorie de Fourrier [4].

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On peut facilement réaliser l‘écrêtage du signal à partir d’une diode connectée en direct entre le signal et la masse. Ce serait réaliser la connexion comme suit :

ëcrêtage du signal électrique par une diode
Écrêtage du signal électrique par une diode (d’après [5]).

Comme vous pouvez lire dans cet article sur les diodes, on peut modéliser une diode comme étant:

  • un fil ouvert si la tension à ses bornes est inférieure à 0,7 V (dans le cas d’une diode au silicium),
  • un générateur de tension 0,7 V constant si on essaye d’y appliquer plus de 0,7 V.

Dans le schéma ci-dessus, on envoie un signal sinusoïdal à gauche (pour modéliser le son de la guitare) et on mesure le signal à droite. La sinusoïdale est une tension qui varie de -Vp à Vp avec le temps (où Vp est égal à quelques volts au plus). Si la tension de la sinusoïdale est inférieure à 0,7 V, la diode est comme un fil ouvert. Tout se passe comme s’il n’y avait pas de diode et donc le signal sinusoïdal sort identique à droite. Maintenant lorsque la tension excède 0,7 V la diode maintient sa tension à 0,7 V ce qui va finalement aplatir la sinusoïde à 0,7 V en sortie.

2.2 Différentes configurations de diodes

Ici nous n’avons qu’une seule diode, par conséquent l’écrêtage est asymétrique. On pourrait le rendre symétrique en ajoutant une seconde diode en parralèle, mais montée en sens inverse. Ceci aplatirait l’autre alternance de la sinusoïde. On trouverait alors le signal de la courbe rouge de la figure précédente. La RAT utilise ce montage à 2 diodes.

Notons également qu’alors que certaines pédales d’overdrive choisissent un écrêtage symétrique comme la tube screamer d’Ibanez, la Boss SD-1 crée un écrêtage asymétrique en utilisant une 3e diode mise en série avec l’une des deux diodes (voir ref [6]).

3 Substitution des diodes d´écrêtage de la RAT

Dans la figure suivante je montre le schéma de la RAT adapté, où figurent en rouge la modification pour la réponse en fréquence appelée la « Ruetz RAT » [7] à laquelle je dédierai un autre article et la modification sur les diodes d’écrêtage. Les diodes utilisées sont des diodes de germanium et des LEDs rouges. Ce sont les diodes utilisées dans d’autres versions de RAT, respectivement la « You Dirty RAT » et la « Turbo RAT« . Cela revient donc à avoir 3 RATs en 1 !

Circuit utilisé pour la fabrication de la RAT modifiée.
Circuit utilisé pour la fabrication de la RAT modifiée. Deux modifications apparaissent. Une porte sur la réponse en fréquence. L’autre sur les diodes d’écrêtage, qui sont l’objet du présent article.

3.1 Écrêtage dans la RAT

Le rôle de ces diodes est celui expliqué plus haut. Le signal de la guitare est amplifié par l’amplificateur opérationnel U1. Le condensateur C12 sert à annuler la composante continue, c’est-à-dire qu’il ne laisse passer que le courant alternatif (celui qui porte l’information sur le son de la guitare). Le signal est atténué par R6. Puis, avant de rencontrer le potentiomètre de tonalité (qui atténue plus ou moins d’aigus) il est écrêté par deux diodes montées tête-bêche.

3.2 Modification proposée

La modification est très simple dans l’idée. En effet, grâce à un interrupteur à 3 positions on va choisir entre 3 sets de 2 diodes. Et on va jouer avec le fait que les différents matériaux qui composent les diodes conduisent à des tensions seuil différentes. Pour le Si, cette tension seuil est de 0,7 V. Pour le germanium elle est de 0,3 V et pour la LED rouge dont le matériau est un alliage semi-conducteur la tension seuil est d’environ 1,9 V (vous pouvez lire cet article sur la jonction PN pour en comprendre le mécanisme).

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Le changement de la tension seuil aura deux conséquences sur le son :

Écrêtage par deux couples de diodes identiques tête-bêche.
Exemple d’écrêtage par deux couples de diodes identiques montées tête-bêche. En vert, ce sont deux LEDs rouges, de tension seuil égale à 1,9 V. En bleu, ce sont des diodes de Ge de tension seuil 0,3 V. On peut noter que l’amplitude globale de la courbe verte est plus grande que celle de la courbe bleue.
  • Lorsque la tension seuil est grande, seuls les signaux qui ont suffisamment d’amplitude seront écrêtés. Par conséquent, plus la tension seuil sera basse, plus le signal sera écrêté et plus le niveau de distortion sera grand.
  • Le fait d’écrêter le signal diminue son amplitude, la guitare sonnera donc moins fort.

Par conséquent pour les diodes au germanium on s’attend à un signal plus distordu, gras et plus faible. Pour les LEDs, on s’attend à une distorsion plus subtile, donc plus crunchy et un volume plus fort.

Notons que j’ai choisi de faire des couples avec des diodes identiques, mais on peut aussi coupler des diodes différentes. L’écrêtage devient donc asymétrique, car on n’écrête plus de la même manière les alternances positives et les alternances négatives.

3.3 Résultat

Sur la vidéo qui suit, je montre la RAT modifiée que j’ai fabriqué. J’y teste les trois sets de diodes utilisés. Je n’ai ajouté aucun traitement additionnel (reverbe, compression, équalisation…) dans l’enregistrement.

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4 Construction de la pédale

Voilà la pédale vue de l’intérieur:

Ma RAT modifiée de l'intérieur.
Ma RAT modifiée de l’intérieur.

Le moyen que j’utilise pour monter les composants sans avoir recours à un procédé chimique est l’utilisation de perfboard. Sur celui-ci, j’essaye de compacter au maximum l’agencement des composants pour gagner de la place. Ci-dessous je montre la répartition des composants que j’ai utilisés.

Agencement des composants sur le perfboard pour gagner de la place sur la RAT.
Agencement optimisé des composants sur le perfboard. À gauche vu du dessus, à droite vu d’en bas. « Input » va vers le footswitch 3PDT, « 9V batt » vers le + de la pile 9V ou la masse du jack DC (que l’on veut centré négatif). « LED » va vers le + de la LED et « Ground » vers le chassis. Les points « 9V » doivent être reliés entre eux par un fil. « Tone », « Dist » et « Vol » vont vers les 3 potentiomètres. Les trois « S1 » vont vers un interrupteur à 3 positions et « S2 » vers un interrupteur normal à 2 positions.

En haut on voit la vue de dessus du perfboard. Et à droite c’est la vue de dessous, qui me sert pour souder les composants, mais aussi pour connecter les composants entre eux en faisant des rails d’étain.

La conectique est l’habituelle : footswitch 3PDT pour avoir du true bypass et une LED, deux jacks, un jack d’alimentation et 3 potentiomètres. Si vous avez des questions par rapport à tout ça, n’hésitez pas à me laisser un commentaire en bas !

5 Verdict et conclusion

Voilà pour le 1er article d’une série que je ferai en utilisant la RAT comme circuit de base. À propos du son de ma RAT modifiée, je trouve sincèrement que mon clone sonne bien mieux que ma RAT version 2. Ce n’est pas pour me la péter, oh non ! Mon clone modifié n’apporte rien de mieux que la RAT version 2 lorsque les switchs additionnels sont en position normale. L’unique différence est l’utilisation de l’amplificateur opérationnel original LM308. Il y a beaucoup d’avis et d’opinions sur internet sur l’influence des composants sur le son. Pour ma part je pense que ce petit chip fait la différence !

Si vous avez aimé cet article, si vous avez des questions, n’hésitez pas à me laisser un commentaire en dessous, merci !!

Références

[1] https://en.wikipedia.org/wiki/Pro_Co_RAT

[2] http://www.electrosmash.com/proco-rat

[3] https://en.wikipedia.org/wiki/Distortion_(music)

[4] https://www.sfu.ca/sonic-studio-webdav/handbook/Square_Wave.html

[5] https://www.electronics-tutorials.ws/diode/diode-clipping-circuits.html

[6] https://www.premierguitar.com/gear/5-diy-mods-to-perfect-your-ibanez-ts9-and-boss-sd-1

[7] https://www.diyguitaramp.com/rat/

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