Le transistor, inventé en 1947 par Bardeen, Shockley et Brattain est omniprésent dans l’électronique. Cette invention leur a d’ailleurs valu le prix Nobel de physique en raison de la révolution qui en a découlé. Combiné à l’invention du circuit intégré puis du microprocesseur, il représente une alternative plus que notable comparée à la technologie des tubes. En effet, le transistor demande des tensions plus faible, il est plus petit, plus léger, peut se fabriquer en masse. En 2018, le nombre de transistor sur un microprocesseur est de 18 milliards ! [1].

Mais revenons à des nombres plus accessibles, c’est-à-dire, occupons nous de 1 transistor ! Il y a a tellement à dire sur les transistors que je leur ai dédié une série d’articles pas trop longs. Dans cet article, nous allons voir leur principe de fonctionnement. Je ne vais pas parler de tous les montages possibles ni de tous les types de transistors qui existent, au lieu de cela l’angle pris ici est plutôt pratique. Nous ne parlerons que du transitor bipolaire et nous commencerons par voir brièvement quelques bases. Puis nous verrons qu’il faut alimenter le transistor en tension continue afin de le faire travailler dans un état qui permettra d’obtenir en sortie une amplification sans distortion. Ce point de fonctionnement ou point de repos se détermine lorsqu’aucun signal n’est appliqué à son entrée. Nous verrons deux manières de déterminer ce point de repos.

1 Symbole du transistor bipolaire

Symbole du transistor bipolaire, de type PNP à gauche et NPN à droite. La différence se fait au niveau de la flèche de l'émetteur, en E.
Figure 1 : symbole du transistor bipolaire, de type PNP à gauche et NPN à droite. La différence se fait au niveau de la flèche de l’émetteur, en E.

Le transistor bipolaire est un composant à 3 broches. L’une s’appelle l’émetteur, l’autre le collecteur, et la 3e s’appelle la base. Il y a deux types de transistors bipolaires, ceux de type PNP et ceux de type NPN. Des fois, dans un circuit on va choisir l’un ou l’autre, d’autres fois, on va utiliser les deux car ils peuvent fonctionner de manière complémentaire.

Pour expliquer brièvement l’origine des lettres P et N, elles se réfèrent au dopage du semi-conducteur qui composent le transistor. Un transistor est une succession de 3 couches semi-conducteur, de silicium ou de germanium, même si maintenant on ne trouve dans l’électronique générale surtout que du silicium. Ces couches sont dopées alternativement P, N et P ou N, P et N d’où le nom des deux types. L’émetteur, la base et le collecteur sont respectivement la couche semiconducteur P, N et P dans le cas du transistor PNP et la couche N, P et N dans le cas du transistor NPN. Si les mots semi-conducteur, semi-conducteur dopé, jonction PN ne vous disent rien, vous pouvez lire l’article comment fonctionne une jonction PN !

En gros, le transistor bipolaire consiste en deux diodes PN qui se regardent ou qui se tournent le dos. Pour savoir si le symbole du transistor correspond à NPN ou PNP c’est facile : la flèche du symbole pointe toujours de la couche P vers la couche N, comme pour une diode. Par conséquent sur la figure du dessus à gauche la flèche pointe de E vers B. L’émetteur est donc de type P, la base de type N, et du coup le collecteur de type P. C’est donc un transistor de type PNP.

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2 Principe de fonctionnement du transistor

Pour l’expliquer de manière simple, un transistor c’est comme le frein d’une voiture. Lorsque vous freinez, deux disques viennent se coller à la roue et la voiture ralentit. La force de votre jambe est évidemment insuffisante pour freiner un véhicule qui roule à 130 km/h. Il y a donc dans la voiture un mécanisme qui transforme votre faible signal au pied en un signal puissant au niveau des disques. Et plus vous appuyez fort sur le frein, plus les disques appuieront fort sur la roue. Et bien dans le transistor, c’est la même chose. Le faible signal alternatif de la guitare est envoyé dans le transistor. À sa sortie, le transistor donne une réplique du signal d’entrée mais amplifiée.

Schéma de principe d'un amplificateur
Figure 2 : schéma de principe d’un amplificateur (d’après [2])

Comme l’illustre la figure ci-contre, il faut bien entendu alimenter le transitor car celui-ci ne peut créer un signal de plus grande amplitude par magie, et ceci est vrai pour tout composant amplificateur (voir cet article). C’est pour cela que les pédales d’effet nécessitent bien souvent une pile 9V, ou parfois plus. En appliquant une tension d’alimentation plus grande, par exemple 15 V ou 18 V, on pourra obtenir plus d’amplification sans saturation du signal de sortie. C’est ce que les spécialistes appellent « headroom ».

3 Polarisation du transitor bipolaire : montage émetteur commun

Nous allons entrer un peu plus dans les détails : il y a plusieurs type de montages amplificateurs, le montage base commune, le montage collecteur commun et le montage émetteur commun. Chacune des trois configurations a ses inconvénients et ses avantages suivant le circuit que l’on veut monter. Dans le cas de l’adaptation d’impédance par exemple on utilisera plutôt le montage collecteur commun. Le montage le mieux adapté pour fabriquer un amplificateur est le montage émetteur commun, c’est celui que nous allons traiter ici. Et nous allons travailler avec un transistor de type NPN.

3.1 Montage émetteur commun « simple »

Montage amplificateur émetteur commun du transistor bipolaire.
Figure 3 : montage amplificateur à émetteur commun du transistor bipolaire. Ici le transistor est de type NPN.

La figure ci-dessus montre un montage utilisant un transistor bipolaire de type NPN en configuration émetteur commun. Nous allons expliquer en détail chacun des symboles représentés.

Comme je le disais plus haut, il faut fournir de l’énergie au transistor pour qu’il puisse amplifier. Pour cela, il y a une pile en haut (générateur de tension continue, ou DC). J’ai appelé la tension qu’elle délivre Vcc, qui vaut dans la plupart des pédales de guitare 9 V. Pour que le transitor puisse amplifier, il va falloir mettre sa base (B) et son collecteur (C) au potentiel voulu, ce que l’on fait grâce aux résistances Rb et Rc. En choisissant bien les valeurs de ces résistances, on a le contrôle sur la tension à laquelle sont la base et le collecteur. L’émetteur est à la masse (0 V).

Le signal à amplifier, Ve(t) arrive à la base (B), et on prélève au collecteur (C) le signal amplifié, Vs(t). Ces deux signaux varient avec le temps, on les appelle des signaux alternatifs ou AC (alternative current) et passent à travers les condensateurs Cin et Cout (voir l’article comment sonne un condensateur pour plus d’explications à ce sujet).

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Dans Rb passe un courant ib, délivré par la pile, et dans Rc passe un courant ic. Le courant ib passe ensuite dans la base, il ne peut aller vers l’entrée, car étant constant il est bloqué par le condensateur Cin. De même, le courant ic, constant, ne peut aller vers la sortie, car il est bloqué par Cout.

Enfin, il faut savoir que le transistor a un coefficient d’amplifiaction qui varie d’un modèle à l’autre. Le courant de collecteur est égal à \beta fois le courant de base.

En résumé :

On va polariser le transistor aux tensions continues voulues grâce à la pile et aux résistances Rb et Rc. Puis on va y ajouter le signal alternatif à amplifier, qui va entrer en B. Ce signal est identique en C mais amplifié d’un coefficient \beta. On prélève le courant alternatif en C en bloquant le courant continu ic avec un condensateur. Ça y est, on a un signal amplifié !

3.2 Calcul du point de repos du transitor bipolaire

On s’interesse à la polarisation du transistor au repos, c’est à dire avant envoi d’un signal alternatif. Je vais expliquer tout cela « avec les mains », puis je vais étayer mes dires par une simulation SPICE.

Rc ?

La tension que l’on fournit au transistor est Vcc, par exemple 9 V. On veut amplifier un signal qui oscille alternativement autour d’une valeur (en général 0 V). Par conséquent, le signal de sortie sera également une tension qui oscillera autour d’une valeur.

Le signal de sortie ne pourra pas exceder 9 V car c’est la tension que l’on fournit. Et la valeur minimum du signal de sortie est de 0 V. Par conséquent, on va s’arranger pour avoir le collecteur à 4,5 V (la moitié de 9). Ainsi, on aura un signal de sortie qui oscille autour de 4,5 V avec une amplitude maximum de 4,5 V.

On veut donc que Vce=4,5 V. Le courant qui passe dans le collecteur est typiquement de 10 mA. Par conséquent on peut calculer la résistance Rc par la loi d’ohms qui lie tension, résistance et courant (voir cet article) :

\displaystyle V_{Rc}=R_C \times i_C soit \displaystyle R_C=\frac{V_{Rc}}{i_C}=\frac{4,5}{10^{-3}}=450 \Omega

Rb ?

Calculons maintenant Rb. Il faut savoir pour cela que Vbe=0,7 V. Pourquoi ? Parce que base et émetteur forment une diode PN, polarisée en direct dans notre cas. On peut donc approximer cette tension comme constante égale à 0,7 V, comme on le fait pour une diode PN au silicium (vous pouvez lire cet article pour plus de détails : modélisation d’une diode et simulation spice).

On a donc Vbe=0,7 V. Nous savons aussi que le transistor a un coefficient d’amplification \beta que l’on va supposer égal à 210 (c’est le cas du transistor BC108A que l’on va utiliser dans la simulation). Par conséquent:

\displaystyle  i_C=\beta i_B soit \displaystyle i_B=\frac{i_C}{\beta}=\frac{10^{-3}}{210}=4,7^{-5} A

Pour appliquer la loi d’ohms en Rb il nous faut aussi savoir la tension VRb en Rb. Puisque Rb est entre Vcc et Vbe, VRb=Vcc-Vbe=9-0,7=8,3 V

Et donc on trouve Rb par la loi d’ohms :

\displaystyle R_B=\frac{V_{Rb}}{i_b}=\frac{8,3}{4,7^{-5}}=176 k\Omega

J’ai fait une petite simulation SPICE du circuit, et on trouve les valeurs de tension et de courant suivante :

Simulation SPICE du montage émetteur commun d'un transistor bipolaire de type NPN.
Figure 4 : simulation SPICE du montage émetteur commun d’un transistor bipolaire de type NPN.

On voit que ça marche plutôt pas mal !! On trouve bien qu’avec Rc=450 ohms et Rb=176k on a environ 4,5 V au niveau du collecteur et un courant de 10 mA.

3.3 Calcul du point de repos du transistor bipolaire à partir des caractéristiques

Un autre moyen de savoir avec quelles résistances polariser le transistor est à l’aide des données du fabricant. Par exemple, en tapant BC549 sur Google j’ai trouvé les caractéristiques de ce transistor, qui est équivalent au BC108 [3]. La caractéristique qui nous intéresse est celle qui donne le courant de collecteur ic en fonction de la tension Vce :

Caractéristique courant de collecteur ic vs tension collecteur-emetteur Vce pour le transistor bipolaire BC549
Figure 5 : caractéristique courant de collecteur ic vs tension collecteur-emetteur Vce pour le transistor bipolaire BC549 (d’après [3]).

Pour l’instant, ne prêtez pas attentions aux indications que j’ai ajouté en vert et en bleu. Ce graphique montre comment évolue le courant ic avec Vce pour différentes valeurs du courant ib.

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Qu’est-ce que cela veut dire ? Prenons une des courbes, par exemple la première en bas. On voit que pour elle, le courant de base ib vaut 50 \muA (1 \muA=1 millionième d’ampère). Sur cette courbe, plaçons nous à Vce=0 Volt. On voit que ic=0 mA. Puis lorsque Vce augmente, ic augmente aussi, puis atteint une valeur fixe, ici d’environ 12 mA. C’est l’allure générale de ic avec VCE : une augmentation forte pour Vce proche de 0 V puis une saturation.

La courbe suivante correspond à ib=100 \muA. La suivante à ib=150 \muA, et ainsi de suite…

Droite de charge

Pour trouver le point de fonctionnement, on a les paramètres suivant : Vcc la tension de la pile, Rc la résistance qui permet de polariser le collecteur à la bonne tension. Et on a les variables ic et Vce. Suposons que nous voulons que le point de fonctionnement soit à Vce=4,5 V pour les raisons cités plus haut, et le courant ic= 20mA.

La loi des mailles nous donne que V_{CC}=V_{CE}+V_{Rc} (voir figure 3). Or d’après la loi d’ohm nous avons vu que V_{Rc}=R_C \times i_C. Par conséquent l’expression précédante devient V_{CC}=V_{CE}+ R_C \times i_C et en réarrangeant pour avoir une expression du type i_C=f(V_{CE}), on trouve que :

\displaystyle i_C=\frac{V_{CC}}{R_C}- \frac{V_{CE}}{R_C}

Dans cette équation de type y=ax+b, « y » est i_C et « x » est V_{CE}. Nous obtenons donc l’équation d’une droite, qui s’appelle la droite de charge.

\displaystyle \frac{V_{CC}}{R_C} est l’ordonnée à l’origine et \displaystyle \frac{1}{R_C} est la pente.

Le point Q a pour abscisse Vce=4,5 et pour ordonnée ic=20 mA. De plus, pour V_{CE}=V_{CC} on a i_C=0. Ces deux points permettent de tracer la droite de charge, que j’ai tracée en vert sur le graphique précédant.

Détermination de Rc et Rb

On trouve alors en ordonnée que \displaystyle \frac{V_{CC}}{R_C} =40 mA. Sachant que Vcc= 9V, on en déduit Rc : \displaystyle R_C=\frac{V_{CC}}{40^{-3}}=225 \Omega

Pour trouver le courant ib du point de fonctionnement, il faut regarder par quelle courbe passe le point Q. Le problème est que Q ne passe par aucune courbe tracée, il va falloir extrapoler. Or on voit que Q est entre les courbes ib=50 \muA et ib=100 \muA. On peut en déduire à peu de choses près que en Q, ib= 75 \muA. Et on déduit Rb en faisant comme avant : \displaystyle R_B=\frac{V_{Rb}}{i_b}=\frac{8,3}{75^{-6}}=110 k\Omega

4 Conclusion

Voilà pour cet article. Nous savons maintenant trouver le point de fonctionnement ou de repos du transistor en statique. Maintenant, en gardant tout cela en tête, on va ajouter le signal alternatif qui provient de la guitare. C’est l’objet de l’article sur le transistor en régime alternatif.

Vous trouverez également différentes manières de polariser le transistor dans l’article sur l’indépendance en beta. Bonne lecture !!

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Références

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Transistor
[2] Tahar Neffati, L’électronique de A à Z, Dunod
[3] http://www.mouser.com/ds/2/149/BC549-888525.pdf

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